Histoire, fabrication et vertus du savon d’Alep

Du savon d'Alep en bref...

Du savon d'Alep, on parle depuis des siècles. Il symbolise le savon naturel ancestral.

Originaire de la ville d'Alep au nord-est de la Syrie, il y est né il y a près de 4000 ans. C'est le premier savon solide créé par l'espèce humaine. Et depuis 4000 ans la recette du savon d'Alep n'a pas changé!
Il est fabriqué traditionnellement à partir d' huile d'olive, d'huile de baies de laurier, d'eau et de soude végétale. Le véritable savon d'Alep ne contient aucun produit de synthèse, aucun solvant, aucun colorant, aucun fixateur de parfum, aucun dérivé de graisse animale. Un savon écologique : 100 % naturel et biodégradable!

Reconnaître du savon d'Alep

Le savon d'Alep traditionnel se présente toujours sous la forme d'un cube marron à l'extérieur et vert à l'intérieur. Sur l’une des faces du savon d’Alep, se trouve le sceau du maître savonnier. Celui-ci précise le nom du fabricant, le lieu de fabrication (normalement حلب pour Alep en arabe) et la qualité du savon, notamment le pourcentage d’huile de baie de laurier.
L’huile de baie de laurier est obtenue à partir de la pulpe du fruit du laurier (Laurus Nobilis). On peut parfois la trouver sous l’appellation de beurre de laurier. Il ne faut pas la confondre avec l’huile essentielle de laurier.

Caractéristiques et bienfaits du savon d'Alep

On dit du savon d'Alep qu’il est surgras car il est surdosé en huiles végétales, l’huile d’olive et l'huile de baie de laurier. Les savons surgras limitent le dessèchement de la peau en préservant le film hydrolipidique qui protège la peau. Le savon d’Alep peut s’employer quotidiennement pour sa toilette. On peut l’utiliser pour se laver le visage, les cheveux ou tout le corps. Il est également possible de s’en servir en masque ou pour se raser.
L’huile d’olive a des propriétés adoucissantes et apaisantes.
L’huile de baies de laurier est légèrement antiseptique et cicatrisante.

Son arôme délicat est caractéristique du savon d’Alep. Il mêle les fragrances de l’olive et du laurier. Et si ce parfum peut surprendre, il est le signe d’un produit naturel! De plus un véritable savon d’Alep ne laisse aucune trace de parfum après le rinçage!

Enfin les savons d’Alep peuvent se conserver très longtemps dans un endroit sec et à l’abri du soleil. En effet, c'est l'une des qualités du savon d'Alep, ce dernier se bonifie avec le temps. Il continue sa maturation et devient de plus en plus doux.

Histoire du savon d'Alep

Le savon

Le savon est l’un des produits manufacturés les plus anciens. On trouve des « textes » évoquant ou décrivant son processus de fabrication dans de nombreuses civilisations. Le premier écrit a été trouvé sur des tablettes sumériennes datant de plus de 3000 ans avant JC. Mais le savon est aussi évoqué au fil des temps sur des papyrus égyptiens, des écrits assyriens, romains puis carolingiens. Les techniques de fabrication citées sont similaires : un mélange d’huiles et d’un agent alcalin, très souvent des cendres de plante. La production de savon s’étend autour du bassin méditerranéen. Au XV ème siècle, au Moyen-Orient, la production de savon à l’huile d’olive est avérée dans de nombreuses grandes villes de la région : Damas, Homs, Naplouse, Tripoli, Saïda...

Et à Alep

Le savon d’Alep est néanmoins considéré comme le plus vieux savon solide du monde. Son développement dans cette ville est profondément lié à la présence abondante et bon marché des matières premières alors indispensables à sa fabrication. L’huile d’olive - zayt zaytūn - vient des montagnes kurdes, de la région d‘Idlib ou des côtes méditerranéennes. La soude - šnān - est acheminée depuis la région désertique de Palmyre et l’huile de baie de laurier - zayt ġār - vient des montagnes du bord de mer des régions de Lattaquié et d’Antioche.

L'influence du Savon d'Alep sur la ville et la région

Le développement de la production du savon d’Alep va influer progressivement mais durablement sur l’organisation socio-économique et urbanistique de la ville. Des bâtiments sont dédiés à sa fabrication (maṣbana) ou à son commerce. Au XV ème siècle, la production artisanale ne se déploie pas seulement à Alep mais également dans les villages alentours. La ville reste alors le centre commercial du savon d’Alep. Un caravansérail (Han al-Sabûn) et un souk ( Sûq al-Sabûn) lui sont dédiés. A l’époque certains savons sont déjà exportés vers les régions voisines d’Anatolie, de Perse et d’Irak.

La production du savons d’Alep n’est pas l’attribut d’une religion en particulier. En 1825, le consul de France à Alep compte 7 savonneries dont les propriétaires sont musulmans, chrétiens ou juifs.

Les ingrédients du Savon d’Alep

L’huile d’olive - zayt zaytūn

L'huile d'olive est le composant principal du savon d'Alep. De tout temps, elle a été produite en grande quantité dans la région d'Alep

La cueillette des olives se déroule d’octobre à décembre.

Idéalement le pressage, se fait rapidement après la récolte. Pendant longtemps, l’huile d’olive était extraite en une ou deux pressions à froid. L’huile de première pression était le plus souvent destinée à la consommation alimentaire. La production du savon d'Alep se faisait à partir de l’huile de deuxième pression. Cette dernière était obtenue à partir de la pulpe issue de la première pression, stockée dans des sacs et arrosée avant d'être pressée à nouveau. Les artisans savonniers procédaient à la décantation du liquide obtenu pour séparer l’huile de l’eau.

Un lien entre Alep et les villages

Produite dans les pressoirs villageois autour d’Alep, l’huile était ensuite stockée dans des outres en peau de chèvre ou mouton retournée (ẓarfs). Ces dernières étaient ensuite transportées vers Alep à dos d’ânes. En 1930, on trouvait encore dans la région d’Alep plus de 600 pressoirs villageois. Dans les années 80, les ẓarfs servaient encore sur les marchés d’Alep pour stocker du beurre fondu. Mais elles étaient remplacées par des fûts métalliques de 200l pour le transport de l’huile d’olive.

Une fois livrée aux savonneries, l’huile était stockée dans de grandes citernes enterrées où elle décantait. Certaines savonneries comptaient jusqu'à 15 citernes de 8 à 10 tonnes de contenance chacune. La forme de ces citernes - évasées à la base, resserrées au sommet et fermées d’un couvercle en bois - permettait de faciliter la décantation. Cela évitait également que l'huile ne soit trop en contact avec l'air.

L’huile de baie de laurier - zayt ġār

C'est l'ingrédient qui fait la renommée du savon d'Alep. Elle le distingue des autres savons naturels comme le savon de Marseille traditionnel.

L’huile de baie de laurier est ajoutée à la fin du processus de saponification.

Elle donne au savon son odeur caractéristique.

Les baies de laurier proviennent traditionnellement des régions d'Antioche ou de Lattaquié dans les montagnes du bord de mer de la Syrie ou de la Turquie.

A maturité, les baies de laurier sont de petits fruits noirs, brillants et de forme ovoïde. En période automnale, la baie est chargée de corps gras. C’est alors la meilleure période pour en extraire l’huile. Les baies de laurier sont plongées dans de l'eau bouillante. Elles éclatent et libèrent à la surface du bouillon une huile que l'on collecte au fur et à mesure de son apparition.

Comme l’huile d’olive, l’huile de baie de laurier était autrefois livrée aux fabricants du savon d'Alep dans des ẓarfs, ces outres de peau de mouton ou de chèvre depuis longtemps remplacées par des fûts métalliques de 200 l.

La soude - šnān

Végétale ou minérale, la soude est l’agent alcalin indispensable au processus de saponification.

Traditionnellement à Alep, la soude utilisée pour la fabrication du savon d'Alep provenait de la combustion de plantes, souvent de la soude brûlée - Salsola Kali ou šnān en dialecte local. Cette plante arbustive est abondante dans la région de Palmyre. Elle contient des carbonates de soude et de potasse.

La plante était ramassée par les Bédouins, stockée pour séchage puis brûlée dans des fosses. Elle s'y consumait pendant plusieurs jours pour devenir après refroidissement un bloc solide de couleur grisée.

Transporté à dos de chameau le matériau obtenu était vendu aux commerçants ou à l'administration ottomane qui le revendait alors aux savonneries et l'exportait parfois.

La production et le commerce du šnān furent même réglementés à certaines époques. Monopole d’État, l’administration ottomane fixait la liste des villages autorisés à produire cette soude végétale. Le bloc de cendres était alors broyé avant d’être fourni aux fabricants du savon d'Alep.

A la chute du système ottoman, les savonniers prennent en charge le broyage des blocs de cendres. Ils commencent dès le début du 20ème siècle à y adjoindre de la soude minérale.

Aujourd’hui la cueillette et la transformation commerciale du šnān, peu rentables, ont été abandonnées par les bédouins. La soude minérale (obtenue à partir de sédiments marins) a largement remplacé la traditionnelle soude végétale.

Vertus et utilisation du savon d'Alep

Dans sa ville d'origine, les usages du savon d'Alep sont multiples : toilette, shampoing, lavage du linge (utilisé râpé) ou plus rarement de la vaisselle.

Les savons d’Alep importés par notre fournisseur Saryane sont garantis sans colorant, sans parfum, sans additif.

Du bon usage du savon d'Alep pour le corps

De manière générale, plus le savon d’Alep contient de l’huile de baie de laurier plus il est purifiant et cicatrisant. Il correspond alors souvent aux besoins des personnes à la peau plutôt grasse.

Et plus le savon d’Alep est riche en huile d’olive, plus il est nourrissant. C'est alors aux peaux sèches qu'il s'adapte le mieux.

Choix du savon d'Alep

Il est donc important de bien choisir son savon d’Alep:

Le savon d'Alep traditionnel dosé à 5% d'huile de baie de laurier convient à tout type de peau. Traditionnellement, c'était le savon le plus fabriqué dans la région d'Alep. Il fut longtemps le savon de prédilection des Alepins. Très riche en huile d'olive - hydratante et adoucissante - c'est le savon d'Alep quotidien parfait pour toute la famille.

Le savon d’Alep naturel dosé à 12% d’huile de baie de laurier convient à tout type de peau. Riche en huile d’olive – hydratante et adoucissante – et contenant un bon dosage d’huile de baie de laurier – plutôt antiseptique – c’est le savon d’Alep idéal pour un usage familial quotidien. Lavage des mains, du corps, rasage, shampoing, lessive ou même vaisselle tout est possible avec ce savon d’Alep!

L'usage du savon d’Alep dosé à 20% d’huile de baie de laurier convient à des peaux sèches ou mixtes. Riche en huile d’olive – hydratante – il contient un bon niveau d’huile de baie de laurier – plutôt purifiante. C’est donc plutôt une bonne solution pour des personnes qui rencontrent des problèmes de rougeurs, gerçures ou dartres.

Le savon d’Alep dosé à 35% d’huile de baie de laurier répond plutôt aux besoins des peaux mixtes ou un peu grasses. Restant riche en huile d’olive – hydratante – il compte un haut niveau d’huile de baie de laurier – plutôt aseptisante. Cela peut être un bon choix pour des personnes qui rencontrent des problèmes d’imperfections cutanées (de l’acné par exemple) sur le visage. Il peut également être appliqué en masque pour le visage.

L'utilisation du savon d’Alep dosé à 55% d’huile de baie de laurier est particulièrement adaptée à des peaux grasses. Il contient en effet un haut niveau d’huile de baie de laurier, purifiante. Ce type de savon d'Alep répond alors plutôt aux besoins des personnes qui rencontrent des problèmes d’imperfections cutanées (des excès de sébum ou des points noirs par exemple) sur le visage. Il peut également être appliqué en masque pour le visage. De par sa composition, il reste plus riche en huile d’olive – hydratante – que la plupart des » savons » industriels vendus dans le commerce. Enfin, il peut également remplacer avec bonheur la mousse à raser.

La fabrication du savon d’Alep traditionnel

Dans les années 80 Thierry Grandin, auteur d'une étude sur les savonneries d'Alep, constatait que pour produire une cuve de savon "de base" sans huile de baie de laurier - ṣābūn baladi ou "savon du pays" - on utilisait 4000 l d'huile d'olive (20 fûts) pour 600 l de soude (3 fûts). Pour le savon d'Alep à l'huile de baie de laurier - ṣābūn bi ġār - le plus commun (dosé à 5% d'huile de baie de laurier), le savonnier ajoutait un fût d'huile de baie de laurier (200l). Chaque savonnerie produisait du savon d'Alep à hauteur de 100 à 300 tonnes selon les qualités qu'elles privilégiaient.

Au début des années 80, on trouvait du savon d'Alep dosé à 10 % (ġār ikstrā), 20 % (ġār mumtāz) ou plus rarement 33% d'huile de baie de laurier. Ce dernier n'est alors pas vraiment sur le marché mais correspond à des commandes de certaines familles alépines.

A Alep le savon est alors utilisé pour des usages très variés : toilette, shampoing, lavage du linge ou plus rarement de la vaisselle.

De l’approvisionnement en matières premières à la fin du séchage du savon d'Alep, la fabrication se déroulait traditionnellement sur près d’une année complète.

Préparation

Historiquement, les chaudières, sous les cuves utilisées pour la saponification, étaient chauffées au bois ou au charbon de noyaux d’olive – barin. Aujourd’hui, elles fonctionnent souvent aux hydrocarbures, du gaz la plupart du temps. La montée en température est plus rapide et cela nécessite moins de manutention.

Autrefois, le processus de fabrication de l’eau caustique prenait également plus de temps. Dans un bac spécial -samda - près des cuves à cuisson, les savonniers préparaient un mélange de šnān et de chaux éteinte – kils - sur lequel ils versaient de l’eau. Il récupérait alors un liquide filtré au fond du bac. L’ opération se répétait à plusieurs reprises jusqu’à l’obtention de l’alcali souhaité.

Aujourd’hui le mélange se prépare plus rapidement à partir de soude minérale et d’eau.

Saponification du savon d'Alep

Puis vient le temps de la saponification de l’huile d’olive à partir de l’alcali caustique.

Jusque dans les années 30 on utilisait des cuves en pierre ou plus rarement en cuivre. Elles ont progressivement été remplacées par des cuves métalliques qui permettent d’accélérer le processus de saponification en réduisant les temps de cuisson.

La première étape de la saponification – al-zaqqa – consiste en verser l’huile d’olive dans les cuves préchauffées puis de verser l’eau caustique.

Ensuite, lors de la seconde étape – al-taki – le mélange est porté à ébullition. Une première pâte se forme à la surface – al-raġwa . Sous l'effet de la soude, l'huile se décompose en glycérine - qui reste dans les liqueurs - et en acides oléliques sous la forme de sels à acides gras, le savon.

Le processus se poursuit tant que toute l'huile n'est pas saponifiée avec la projection d'eau caustique restante (al-rašš).

Puis les savonniers rincent la préparation à l’aide d’eau courante - ġasil.

Tout au long du processus de saponification, la préparation est mélangée et le fond de la cuve raclé.

Le maître savonnier - muʿallim – contrôle l’ensemble du processus de saponification et le fait évoluer selon sa perception de l’aspect, de la couleur ou de la viscosité de la préparation de ce qui deviendra bientôt du savon d’Alep.

Enfin, au troisième jour de cuisson, l’huile de baie de laurier - qui donne au futur savon d’Alep sa spécificité – est ajoutée à la pâte que les savonniers continue à remuer.

Coulage

Après cette étape essentielle de la cuisson, vient le temps du coulage de la préparation.

Dans les savonneries traditionnelles, cette opération se déroulait à l’étage supérieur. La préparation y était acheminée à l’aide de sceaux, aujourd’hui remplacés par des pompes. Le sol de ces pièces destinées au coulage étaient en légère pente.

Les artisans savonniers y coulait une forme de dalle d’environ 10 mètres par 3 mètres sur 5 cm d’épaisseur. A l’aide d’un étalon et d’un spatule, la « dalle » de savon était régularisée et aplanie.

A cette étape, la pâte du savon d'Alep est verte, chaude et lisse.

Les savonniers la laisse alors refroidir au moins 8h avant de la travailler à nouveau.

Découpe et marquage de savon d'Alep

Après le temps nécessaire au refroidissement, la coupe de la « dalle » de savon - qaṭʿ al-ṣābūn - est faite par des ouvriers portant aux pieds des planchettes en bois. La circulation sur la « dalle » de savon se fait sur des planches pour éviter de marquer inutilement le savon.

La coupe se fait à l'aide du ǧawza ou miqṭaʿ. C'est un outil spécifique qui ressemble à un râteau dont les dents seraient remplacées par des lames.

Des bandes de savon de 5 à 6 cm sont découpées à l'aide un cordeau, dans la longueur puis dans la largeur.

Cette étape de la fabrication du savon d'Alep peut mobiliser jusqu'à 4 ou 5 personnes: 2 ou 3 ouvriers, chaussés de planchettes qui tractent et guide le ǧawza et une personne plus légère positionnée sur le ǧawza afin d’exercer une pression suffisante pour couper proprement les pains de savons.

Une fois le découpage des savons effectué, le sceau est apposé sur tous les savons. Le marquage du savon d'Alep se fait à l'aide d'un marteau portant un ou plusieurs sceaux - al-ḫatm - en bois ou sont gravés Alep, le nom du maître-savonnier et la qualité du savon. Traditionnellement le marquage était fait par des enfants.

Séchage du savon d'Alep

Les savons regroupés en petits tas sont transportés vers la zone de séchage du bâtiment - mabsaṭ.

Pour faciliter le séchage - al-tamšif - les savons sont empilés en tours et disposés en quinconce. Des espaces entre les savons permettent la circulation d'air et facilitent ainsi le séchage qui dure traditionnellement entre 6 et 9 mois.

Les savons d'Alep à l'huile de baie de laurier sont plus longs à sécher.

Pendant le vieillissement, plusieurs modifications se produisent : la soude qui n’a pas réagi avec l’huile se décompose ; le taux d’humidité diminue.

A l’issue du séchage, les savon d’Alep ont leur forme et leur couleur si particulières de parallélépipèdes rectangles (d'environ 5x5x9 cm) à la couleur jaune à l'extérieur et vert à l'intérieur.